Comme bon nombre d'artistes et philosophes du vingtième siècle, le visionnaire mauricien Malcolm de Chazal s'est tracé un parcours bien éloigné des attentes de sa famille et de ses contemporains, grâce à quoi il reste, 32 ans après sa mort, à propos et influent.

Né à Vacoas en 1902 dans une famille française distinguée et bien établie dans l'industrie du sucre sur l'île Maurice, Malcolm de Chazal est le plus jeune d'une fratrie de 13 enfants. Il grandit dans une famille très croyante qui quitta en masse l'Église catholique pour suivre les enseignements du théologien suédois Emanuel Swedenborg. Mais il développa rapidement ses propres concepts et idées spirituelles, et devint un penseur original qui fut lui-même par la suite largement révéré par d'autres intellectuels.

Après des études réussies au Collège royal de Curepipe, il semblait tout naturel que Chazal poursuive dans l'industrie du sucre, et c'est ainsi qu'il obtint son diplôme d'ingénieur dans le sucre à l'université de Bâton-Rouge en Louisiane. Mais à 32 ans, lorsqu'il quitta les États-Unis et revint s'installer sur l'île Maurice (il avait alors beaucoup voyagé, dans des pays aussi variés que l'Indonésie, le Canada, Cuba et la France), il critiqua fortement les méthodes et usages de l'industrie sur l'île.

Au grand regret de sa famille, il finit par abandonner la filière du sucre pour accepter des rôles mineurs dans diverses usines ainsi qu'au ministère des télécommunications du gouvernement afin de pouvoir s'adonner entièrement aux arts littéraires.

Chazal était un artiste et poète énigmatique, d'une grande sensibilité, entretenant un amour profond et durable pour sa terre natale. Cette affection transparaît clairement au travers de son œuvre, mais en particulier dans ses superbes aphorismes écrits qui expriment l'essence de l'île Maurice, de sa flore et de sa faune, dans un style parfaitement novateur pour l'époque et qui nous interpelle toujours aujourd'hui. À travers le prisme de son subconscient, il savait percevoir quelque chose d'aussi simple qu'une plante indigène ou un papillon avec un point de vue si original et abstrait que certains écrivains le considéraient comme un génie.

« La fleur ne connaît pas les "jours de la semaine". Elle est toujours en costume du dimanche. »

« Le soleil, c'est le communisme intégral, sauf dans les villes où le soleil est propriété privée. »

« Les singes sont supérieurs à l'Homme en ceci : lorsqu'un singe se regarde dans un miroir, il voit un singe. »

« La famille est une Cour de justice qui ne chôme ni nuit ni jour. »

« La bouderie en amour est un veuvage à deux. »

Lorsque Sens-Plastique (sa collection phare de pensées, aphorismes, métaphores et idées) fut publié en 1945, il avait déjà écrit des douzaines d'ouvrages qui exposaient sa vision « chazalienne » sous la forme de « Pensées ». Mais ce n'est qu'après la parution du Volume II en 1948 qu'il devint célèbre en France et qu'André Breton commença à le considérer comme un surréaliste, bien qu'à aucun moment de sa vie Chazal n'ait revendiqué une influence artistique ou philosophique quelconque.